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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

aussi bien que pour l’élève des chevaux et du bétail et les produits de la basse-cour, les Flamands — ainsi que leurs voisins les Picards — ont une incontestable supériorité. Non seulement les récoltes du pays suffisent à la consommation locale, mais elles contribuent à l’approvisionnement de Londres. Des ports de Gravelines, de Calais et de Boulogne, sont expédiés, et parfois directement par les paysans eux-mêmes devenus armateurs, des cargaisons d’œufs, de poulets, de fromages.

L’attention des deux amis se portait sur toutes ces choses, lorsque Cassel apparut juché sur sa haute colline, — on pourrait dire sur sa montagne. Et c’était un riant tableau au milieu de tous ces pays plats que Jean avait vus en allant à Lille et en venant de cette ville — plaines de Picardie, plaines d’Artois, plaines de Flandre, monotones malgré leur somptuosité agricole. La station de Cassel est à quatre kilomètres de la ville. Jean et Quentin, qui n’avaient à eux deux qu’une légère valise, mirent une demi-heure pour gravir à pied les rampes qui conduisent à la ville. Les voitures qui s’élèvent sur les flancs de la montagne doivent suivre une route plus longue parce qu’elle décrit plusieurs lacets.

Cassel est célèbre dans l’histoire par trois batailles livrées sous ses murs par trois Philippe de France. — En 1070, Philippe Ier y fut battu ; en 1318, Philippe de Valois, victorieux, saccagea la ville ; en 1677, sous Louis XIV, Philippe d’Orléans y remporta une victoire sur le prince d’Orange. On voit au musée de Versailles un grand tableau de Van der Meulen, représentation de cette dernière bataille. Les Hollandais couvrent la plaine, de riches seigneurs à cheval de la suite du duc d’Orléans occupent le premier plan ; dans le lointain se dessine la montagne de Cassel — avec ses moulins, devenus historiques.

Quentin conduisait Jean chez un oncle où ils devaient prendre le fils aîné de la maison, un garçon de leur âge, pour se rendre tous les trois à la ducasse de Bambecque près de Wormhoudt, pays perdu sur la frontière belge.

— Attention ! fit-il lorsqu’ils eurent atteint le plateau. L’oncle Sockeel est un excellent homme, mais la tante n’est pas aussi facile à vivre ! Une fois chez eux, c’en est fait de notre liberté ; si nous voulons voir quelque chose, mon oncle ne dira rien, mais comme dans un vaudeville très gai du Palais-Royal, ma tante, ne sera pas contente ! Allons d’abord jouir du point de vue.

— Hé, hé ! fit Jean, nous allons donc mentir un peu ?