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Ah combien vous pouvez nous rappeler de choses,
Vous qui vites passer, sous vos ombres moroses,
            Tant de fiers conquérants !
Annibal, entraînant ses vaillantes cohortes ;
César qui, pour briser de nos villes les portes
            Sur nos pères mourants,

Dut, sentier par sentier, conquérir son passage.
Ô sapins ! dites-nous si dans l’affreux carnage,
            On vit vos troncs rugueux
Se rougir noblement du sang de nos ancêtres
Quand sur les rocs ardus, pour en rester les maîtres,
            Ils combattaient fougueux.

Combien d’autres encor passèrent sous votre ombre !…
Bonaparte, chargé de ses lauriers sans nombre,
            S’en allant rude et fier,
Suivant l’ambition, sa fatale maîtresse,
Qui sur ce front géant posait, pleine d’ivresse,
            La couronne de fer.

Que de fois les échos endormis sous la neige,
Tout d’un coup réveillés par l’effrayant cortège
            D’étrangers aux pas lourds,
N’ont-ils pas, dans les airs, répondu par la plainte
Aux sinistres accents d’une cloche qui tinte,
            Réclamant du secours !

Mais votre sol foulé par ces vaillantes races,
Ô chênes ! n’a point su nous en garder les traces