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LA FORÊT



Il est sur l’un des monts de ma vieille Savoie
Un coin sombre et sauvage où le chêne verdoie,
Dont les loups, en hiver, fréquentent les sentiers ;
Où croissent, sans fleurir, de chétifs églantiers ;
Où, sur les rochers gris qu’argentent les cascades,
Le sapin vient ployer ses rameaux en arcades ;
Retraite que les vents, ces pleureurs éternels,
Troublent de leurs accords tristes et solennels.
C’est la haute forêt, noire, sourde et profonde
Dont chaque arbre a vécu tous les âges du monde,
Géant que l’Eternel, sortant de son repos,
Fit germer, le premier, des ferments du chaos.
Des secrets du passé muets dépositaires,
Ces arbres sont du Ciel fièrement tributaires,
S’inclinant seulement sous le souffle puissant
De l’orage qui peut les briser en passant.
Quand pendant les hivers, les froides avalanches
De givre et de glaçons viennent roidir leurs branches,
Et qu’on voit se dresser sous les cieux étoilés,
Dans le sombre horizon, ces pins échevelés,