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Surtout s’il faut y mettre et le geste et le ton !
Je restai huit grands jours sans savoir ma leçon.
Oh ! quels doux souvenirs rappelle cette fête !
Du salon, dès la veille, on faisait la toilette ;
Tous y mettaient des fleurs. Comme il était plaisant
De voir chacun passer apportant son présent,
D’un pas mystérieux et d’un air d’importance,
Tout joyeux d’un plaisir qu’il savourait d’avance !
Sur le grand guéridon s’étalaient les travaux
Que le soir nous devions ériger en cadeaux.
Tous étaient en émoi : Fanchette, la servante,
Préparait pour diner quelque crême savante,
Et ma mère, qui seule était dans le secret,
De l’office éloignait tout regard indiscret.
Sous prétexte d’aider notre bonne Thérèse,
L’un tirait un fauteuil ou traînait une chaise ;
Et tout en répétant tout bas le compliment,
Pour ne pas l’oublier quand viendrait le moment,
Nous parlions dans les coins en regardant la porte.
« Ah ! pourvu, disait Jean, que grand’mère ne sorte
« Pas encor tout-à-fait de sa chambre ! » — Voilà
Quelle crainte on avait dans cet heureux temps-là ! —
Puis au repas du soir, ce jour-là, notre aïeule
Souriante, au dessert entonnait toute seule,
Une vieille chanson qui parlait d’autrefois…
Et tous applaudissaient à sa tremblante voix !
— Vibre encor, ô mon cœur, au souvenir des heures
Que jadis tu passais avec ceux que tu pleures !