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AMÉLIE

craignais qu’il ne fût pressé de jouir et qu’il ne voulût, dès le soir même, user des droits qu’on allait lui donner. Cela m’eût beaucoup contrariée, car je ne me sentais point disposée à me livrer au plaisir ; la représentation à laquelle j’avais assisté m’avait singulièrement affectée, et calculant assez bien mes jouissances pour être presque toujours de moitié avec ceux auxquels j’en procurais, je sentais bien qu’un engagement si prompt ne pouvait pas me convenir. Heureusement il indiqua la partie au lendemain soir, chez lui, où nous serions très libres, nous dit-il, parce que sa femme partait le matin pour l’une de ses terres. Quand l’heure à laquelle je devais me rendre chez lui fut arrêtée, et qu’on fut convenu des moyens que j’employerais pour m’introduire dans l’appartement où nous étions attendus par la volupté, il sortit en laissant à la Dupré de bons garants de la parole qu’il me donnait.

Le lendemain, sur la brune, je pris une voiture de place, et je me fis descendre à dix pas de l’hôtel de mon nouvel adorateur. Un laquais que je crus le confident intime de son maître, m’y attendait. Il m’apprit que madame de Verneuil avait différé son voyage de quelques jours ; qu’elle était même alors dans l’hôtel ; mais que monsieur n’entendait pas se priver pour cela du plaisir de me recevoir ; qu’il me priait de le suivre et qu’il allait me faire passer