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AMÉLIE

envers une femme que je savais innocente, et sa position malheureuse me faisait répandre des larmes bien sincères. J’allais me livrer à quelques réflexions sur les funestes effets de cette misérable passion, quand je vis entrer dans la loge où nous étions un jeune homme d’environ vingt-cinq ans. Après les compliments d’usage, il renouvela connaissance avec la Dupré, chez laquelle il allait fréquemment autrefois. J’observai que pendant qu’il lui parlait, ses yeux étaient presque toujours fixés sur moi. La pièce venait de finir.

— Voulez-vous, mesdames, nous dit-il, me permettre de vous donner la main jusque chez vous ?

La bonne Dupré accepta sans difficulté, et nous montâmes avec lui dans sa voiture. Ma directrice, qui s’était aperçu de l’effet que mes charmes avaient fait sur lui, l’engagea d’entrer : elle lui fit beaucoup de questions sur son état et sur sa fortune, parce qu’elle ignorait ce qu’il était devenu depuis plus de deux ans qu’elle ne l’avait vu.

Il lui donna tous les éclaircissements qu’elle parut désirer et lui apprit qu’il était marié depuis environ un an, mais que ce lien ne l’empêcherait pas de prétendre aux faveurs de mademoiselle (en me montrant), si je voulais consentir à lui accorder quelques instants.

Je répondis assez faiblement, parce que je