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AMÉLIE

acheva de calmer les esprits. Nous revînmes prendre nos habillements, et après quelques tours de promenade, nous montâmes en voiture pour revenir à la maison.

Notre jeune fou, en nous quittant, nous promit bien de réparer ses torts, et de temps en temps il nous reçut l’une après l’autre à sa campagne ; mais enfin, pour nous faire voir que ce n’était pas vainement qu’il s’était vanté de nous satisfaire toutes les trois un même jour, il disposa la partie, et quoique ce jour-là je ne fusse que la dernière à donner mon avis, je ne me plaignis pas de mon sort.

Ce sont là de ces folies qu’il est quelquefois bon de se permettre, pour que les plaisirs, qui se succèdent si rapidement, se montrent sous de nouvelles formes et ne cessent pas d’en être pour celles qui sont obligées, par état, de les entretenir. Elles ont bien quelquefois leurs petits désagréments ; mais aussi elles ont toujours un mérite réel, c’est qu’elles ne ressemblent point à celles qui les ont précédées.

Pour diversifier un peu nos amusements, la bonne Dupré nous menait de temps en temps au spectacle : je me rappelle qu’un jour j’étais seule avec elle au Théâtre Français ; on y donnait une pièce où la jalousie, peinte sous les couleurs les plus tragiques, m’avait vivement intéressée ; cependant je ne pouvais pardonner au héros de ce drame, l’excès de sa cruauté