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AMÉLIE

qu’elle désirait que ce fût de cette façon que son hommage fût présenté ; elle le demanda avec instance : on se rendit à ses vœux. Je remarquai, quand elle prit sa place, que tout n’était pas disposé comme il l’avait été pour moi, et je craignis qu’elle ne glissât, n’apercevant rien pour la fixer sur le banc ; mais cela pouvait venir pendant le voyage, et cette espérance me rassurait un peu pour elle. J’avais tort d’y compter ; on s’arrêta comme on était parti, et la pauvre Sophie, bien désolée sans doute de l’accident qui lui arrivait, mais trop bonne pour s’en fâcher devant nous, prit le parti d’en rire aux dépens de son conducteur, qu’elle persifla de la bonne manière.

Pour moi, je riais sous cape, rendant grâce au sort de la faveur qu’il m’avait faite, et Sophie elle-même me félicitait de mon bonheur.

— Souffrirons-nous, dit Antoinette, qui prit un ton sérieux pour tromper l’infortuné galant, souffrirons-nous que cet impudent nous amène ici pour se jouer de nous, et croit-il avoir affaire à des femmes auxquelles on peut manquer sans conséquence ? Vengeons-nous, mesdemoiselles, armons-nous chacune d’une branche d’arbre, et corrigeons-le de sa présomption.

Et dans l’instant, elles furent toutes les deux en état d’effectuer leur menace.

— Eh quoi donc ! poursuivit Antoinette en me voyant sans armes, crois-tu pouvoir te dis-