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AMÉLIE

son corps avec mes cuisses, de manière que nous formions un X parfait. On s’imagine aisément, que dans la crainte que je ne tombasse par terre, il avait eu soin de me retenir par-dessous, avec une des flèches qu’il avait prise dans le carquois de l’Amour. Mes deux compagnes eurent aussi de l’emploi ; l’une fut chargée de nous balancer, en tirant à elle une corde attachée sous le banc ; et l’autre devait le pousser chaque fois qu’il revenait à elle, pour lui donner plus d’élasticité.

Cet arrangement fait, mon vis-à-vis donna le signal, et bientôt nous voguâmes dans les airs. La voiture m’avait paru si solide, que je n’eus pas la moindre frayeur ; de sorte que je m’abandonnai tout entière au plaisir du voyage. À peine avions-nous fait six tours, que je sentis ma tête se troubler, tout mon corps frissonna, je serrai dans mes bras mon compagnon de voyage, et ne le quittai que lorsque, revenue de l’extase où cette course aérienne m’avait jetée, je me sentis en état de retrouver l’équilibre que j’avais perdu pendant quelques instants, dans le tourbillon qui m’environnait.

Je descendis de la balançoire, très satisfaite de mon expérience, et je me promis bien de la recommencer le plutôt que je pourrais.

C’était à Sophie à sacrifier après moi ; mais ce devait être d’une autre manière : cependant le jeu de la balançoire lui avait paru si plaisant,