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AMÉLIE

balancez, et vous ne craignez pas mon courroux ? Obéissez, obéissez, vous dis-je, ou vous ne méritez plus d’approcher de ces lieux.

Cette plaisanterie nous fit rire aux éclats ; cependant nous étions bien aises d’en venir au dénouement, et il n’y avait pas d’autre moyen que de faire ce qu’on exigeait de nous.

Quand nous eûmes obéi, le grand-prêtre nous fit venir auprès de lui, et nous donna à toutes un baiser sur le front.

— Maintenant, nous dit-il, quelle est celle d’entre vous qui veut sacrifier la première ? Qu’elle paraisse !

Nous aurions bien voulu toutes commencer, parce que nous craignions que la lampe sacrée ne s’éteignît, et que les dernières n’eussent point de part au sacrifice ; mais pour ne pas paraître jalouses l’une de l’autre, nous voulûmes que le sort en décidât, et trois brins d’herbe, d’inégale grandeur, fixèrent irrévocablement nos rangs. Le plus long m’échut ; je ne fus pas fâchée de me trouver la première, quoique j’ignorasse absolument ce qu’il allait faire de moi.

Il me mena à une balançoire, faite de plusieurs cordes réunies, dont les deux bouts étaient attachés à deux marronniers, et au milieu desquels était retenu un banc à deux dossiers. Il s’y plaça le premier, et me fit monter ensuite sur lui, le visage tourné vers le sien, embrassant