Page:Amélie, ou Les Écarts de ma jeunesse, 1882.djvu/86

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
80
AMÉLIE

Qu’on joigne à cela une belle figure, une voix agréable, et le talent de s’accompagner sur plusieurs instruments, on aura une juste idée de notre adorateur ; pour nous, nous fûmes alors obligées de convenir, que si nous n’étions pas chez l’homme le plus honnête, du moins, nous avions rencontré le libertin le plus aimable qu’on puisse trouver.

Quand on eut rendu à Bacchus tous les honneurs qu’on lui devait, on se leva de table ; je m’aperçus, et je sentis bien, pour mon compte, que mes compagnes et moi, n’avions pas juré de ne sacrifier qu’à ce dieu, et que l’amour voulait avoir part à nos hommages : un mouvement involontaire nous précipita toutes vers celui qui, seul, pouvait les lui faire agréer ; et nous le couvrîmes de baisers, qu’il nous rendit avec tant de profusion et d’ardeur, que nous nous livrâmes à des conjectures flatteuses, sur les scènes agréables dont ils n’étaient que le prélude.

On fit mille folies dans le jardin, et insensiblement on se trouva tout près du mur de ce fameux bosquet, qui devait être témoin des plaisirs que chacun se promettait ; car, de bonne foi, nous étions tous bien disposés à nous divertir. À l’instant, le jeune faune s’échappe, et nous voilà toutes à le poursuivre : il arrive à une porte, qui ressemblait à celle d’un souterrain, l’ouvre et y entre ; nous le suivons sans hésiter, il ferme après nous. On fait trente ou quarante