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AMÉLIE

notre bonne volonté, et nous montâmes en voiture. Il semblait tout rayonnant de gloire, entouré de trois femmes, qu’il appelait ses divinités, et dont les charmes allaient être en son pouvoir.

Pendant deux petites heures que dura notre voyage, la conversation fut très gaie, et notre Adonis en fit presque tous les frais ; nous nous regardâmes alors plusieurs fois, mes compagnes et moi, pour nous dire, par signe, que nous n’avions pas regret de nous être embarquées avec lui.

La maison de campagne où il nous conduisit était infiniment jolie ; on y trouvait tout ce que l’on pouvait désirer, et la promenade, surtout, y était charmante. Nous en profitâmes un peu avant le dîner ; mais notre conducteur eut grand soin de ne pas nous faire tout parcourir, pour nous procurer la surprise que devait nous donner la vue d’un bosquet, entouré de murs très élevés, consacré aux plaisirs du maître, et où nul mortel, hors d’état de sacrifier à la beauté, n’avait encore porté ses pas téméraires.

Nous avions déjà eu mille occasions de remarquer que notre hôte était rempli d’esprit ; mais ce fut au dîner, lorsque échauffé par le vin, les liqueurs et le punch, il eut donné un libre cours à son humeur gaillarde ; il n’y a pas de saillies, de bons mots, de plaisanteries qu’il ne fît, pas de fantaisie qu’il ne voulût satisfaire.