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AMÉLIE

vent à entretenir la paix entre gens qui ont tant d’occasions de la voir troubler.

Il n’y avait pas longtemps que la Dupré avait mis ce moyen en pratique ; nous en avions cependant déjà ressenti les heureux effets ; mais plusieurs de ses habitués, absents pendant quelque temps, ignoraient même qu’il existât. Un d’eux, entre autres, jeune homme charmant qui, depuis dix-huit mois, voyageait en Allemagne, venait d’arriver à Paris. Un de ses premiers soins fut de venir visiter notre sérail. On le fit passer dans le salon, où il vit nos portraits. Nous étions toutes les trois entrées chez la Dupré depuis que ce jeune homme n’y avait paru : par conséquent, il n’en connaissait aucune de nous. Il fut surpris, à ce qu’il dit, de la réunion de trois personnes aussi intéressantes, et après nous avoir longtemps examinées en peinture, il avoua qu’il était dans le plus grand embarras, et que jamais, restât-il deux heures à nous contempler, il ne pourrait faire un choix qui lui fît oublier celles qu’il n’aurait pas demandées : qu’il ne voyait qu’un moyen de satisfaire ses désirs, et qu’il espérait que la Dupré, en faveur de leur ancienne connaissance, se priverait, pendant toute la journée, des beautés qu’elle offrait à ses regards, puisqu’il ne pouvait se décider à donner la pomme à l’une d’elles.

La bonne ne promit rien, parce qu’elle voulait auparavant savoir si nous accepterions cette