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AMÉLIE

affreuse position, je serais trop loin de mon sujet, et je craindrais d’ailleurs que le tableau, s’il était ressemblant, ne me rendît l’impression qu’elle m’a faite.

Cependant le jour venait de dissiper les ombres de la nuit : tout avait repris une forme nouvelle ; mon cœur seul conservait sa tristesse. Accablée sous le poids de mon infortune, j’essayai de descendre de ce lit de douleur, où la nuit cruelle que j’y avais passée m’avait paru un siècle ; mais je ne pus me soutenir sur mes jambes ; je fus obligée de prendre une chaise, où j’attendis que la fille vînt faire mon lit. Elle me trouva dans cet état affreux, et s’apercevant que je ne m’étais pas couchée, elle me demanda si j’étais incommodée, et si j’avais besoin de quelque chose. Je la remerciai de son attention, mais je profitai de sa bonne volonté pour m’exempter de sortir. Elle m’acheta les choses les plus nécessaires à la vie, m’offrit tous ses soins, et me laissa seule abandonnée à mes chagrins.

Je restai huit jours dans cette chambre, à me creuser la tête pour chercher les moyens d’exister, sans en trouver aucun. Je ne voulais pas m’avilir au point de mendier dans la rue les secours du premier venu, en échange de la jouissance de mes appas ; cet abaissement répugnait à ma fierté ; cependant, que pouvais-je faire pour obvier à cet inconvénient ? Manquant