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AMÉLIE

aucun ; enfin, je sentis que je n’étais pas loin du mur, et reprenant, par degrés, mes sens, je parvins à gagner le bout de la rue, en tâtonnant mon chemin.

Quand je fus à cet endroit, j’aperçus quelques boutiques encore ouvertes, et je commençai à me rassurer un peu ; mais il était temps que j’y arrivasse ; car à peine revenue de mon saisissement, mes jambes fléchirent sous moi, et je n’eus que le temps de m’asseoir sur une borne, qui se trouva là fort à propos, pour m’empêcher de tomber.

Ma position terrible me fournissait une ample matière à réfléchir. Il me vint d’abord dans l’idée de prendre un fiacre et de me faire reconduire chez Victoire ; mais en me rappelant les adieux de son émissaire, je n’eus pas de peine à me persuader que je n’en obtiendrais rien, et je craignais qu’en voulant y rentrer de force, on ne me fit arrêter et mener en prison, parce qu’à coup sûr elle aurait feint de ne pas me connaître, et m’aurait fait passer pour une aventurière : je crus donc entrevoir qu’il n’était pas prudent de s’exposer à ce danger ; j’avais bien assez de mon malheur présent, sans courir encore les risques de l’accroître.

Il ne me restait qu’à chercher un abri pour la nuit, et de remettre au lendemain à aviser aux moyens de réparer mes pertes, ou du moins d’adoucir la rigueur du sort dans lequel ma fatale