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AMÉLIE

c’était là que nous allions entrer, et comme on ouvrit la portière de mon côté, Lechesne en sortit avec précipitation, et me donna la main pour descendre. Nous en étions à peine dehors, que la voiture partit et disparut bientôt à mes yeux.

Restée seule avec ce gredin, dans une rue déserte, où on n’apercevait pas même une lumière, une terreur subite s’empara de tous mes sens ; je voulus parler, mais inutilement, il me fut impossible d’articuler un seul mot ; mais j’entendis très clairement ce qu’il était chargé de me dire de la part de l’infâme Victoire : elle me répétait qu’elle n’avait rien à moi, et me défendait très expressément de remettre les pieds chez elle, à moins que je ne voulusse m’en faire chasser ignominieusement. Il me parlait en fuyant, et je n’avais pas encore retrouvé l’usage de la parole, qu’il était déjà bien loin.

Épouvantée du coup qui venait de m’accabler ; indignée du procédé de l’abominable femme qui avait si cruellement abusé de ma crédulité, et révoltée de la scélératesse du monstre, qui n’avait que trop bien secondé son coupable dessein, mille idées confuses me passaient par la tête, sans que mon esprit incertain pût se fixer sur le parti que j’avais à prendre : mes yeux s’arrêtaient indistinctement sur tous les objets qui les frappaient, sans en distinguer