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AMÉLIE

passa seule dans une autre pièce, pour lui rappeler la parole qu’elle m’avait donnée. Elle me dit qu’ayant été obligée d’employer, à des besoins pressants, l’argent que je lui avais confié, elle avait fait beaucoup de démarches pour se le procurer ; et qu’enfin elle y était parvenue, par l’entremise des personnes qu’elle venait d’amener avec elle ; mais que l’ami qui lui faisait ce prêt ne pourrait être en état de l’effectuer qu’à huit heures du soir, parce qu’il fallait qu’il fit lui-même quelques recettes pour le compléter ; qu’il avait donné rendez-vous chez lui pour cette heure, et que ne voulant pas s’exposer en sortant si tard, elle me priait de l’y accompagner. L’envie de terminer avec cette femme, et d’avoir mon argent, m’empêcha de faire aucune réflexion sur la singularité de cette proposition. En effet, qu’avais-je besoin de me mêler de ses affaires ? Ne valait-il pas mieux en attendre la réussite tranquillement à la maison ? C’est ce que j’aurais dû faire, et ce que, malheureusement, je ne fis pas.

À sept heures et demie, on fit venir une voiture de place ; Victoire et moi nous y montâmes, avec Lechesne et les deux hommes qui l’avaient accompagnée. L’ordre fut donné au cocher sans que je m’en aperçusse. Il nous conduisit à l’une des extrémités de la ville, dans un quartier qui m’était tout à fait inconnu. La voiture s’arrêta devant une maison à porte cochère ; je crus que