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AMÉLIE

éprouvée dans cette première visite m’en fit craindre une seconde ; le lendemain, je feignis une migraine pour m’en exempter ; le troisième jour on ne m’en parla plus, et je fus insensiblement délivrée de cette gêne, qui était devenue une sorte de tourment pour moi.

Au bout de huit jours, l’amant reparut, bien guéri, bien dispos, et en état de reprendre son plan d’attaque ; mais celui qu’il avait formé était bien loin de ma pensée : c’était à tort que je croyais qu’il pourrait se flatter de me trouver plus sensible, après ce que je lui avais coûté de peine et de souffrance. Il affecta, au contraire, de me regarder avec dédain, de ne jamais m’adresser la parole, et ce mépris fut si marqué, que, cette fois, Victoire ne put douter qu’il y eût quelque chose d’extraordinaire. Elle voulut en savoir les raisons, et le forcer de s’expliquer ; mais ce fut inutilement qu’elle employa prières et caresses ; il persista dans son refus. Quant à moi, je parus en ignorer absolument les motifs, et n’eus point l’air d’être offensée de son procédé.

Il était à peine sorti de l’appartement, que Victoire me conjura de lui expliquer ce mystère. Je m’y refusai d’abord, parce que je sentais bien tout ce qui allait résulter de mon aveu, et que je ne voulais pas me donner l’odieux de les avoir désunis par une indiscrétion ; mais, pour m’arracher mon secret, elle me menaça de me retirer