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AMÉLIE

sentais aucun goût pour lui ; et, en second lieu, que mon amitié pour Victoire, à laquelle c’eût été manquer trop essentiellement, ne m’aurait jamais fait consentir à lui accorder la moindre faveur.

Au bruit que nous fîmes en tombant, la domestique accourut et me trouva occupée à donner des soins à ce jeune homme qui s’était évanoui. En me voyant aussi lestement vêtue, cette fille s’imagina, sans doute, qu’il avait été l’homme du monde le plus heureux, tandis que la blessure qu’il s’était faite, était tout le fruit, bien amer, qu’il avait recueilli de ses peines. Dans le moment, je m’inquiétai fort peu de ce qu’elle pouvait penser ; je ne songeai qu’à le rappeler à la vie ; mais, par réflexion, je craignis qu’elle ne m’accusât, auprès de sa maîtresse, d’avoir trahi l’amitié ; je fis tout ce qui dépendit de moi pour l’obliger à se taire, et Lechesne parvint à lui persuader qu’il ne s’était rien passé entre nous, en lui racontant l’événement comme il était arrivé.

Pendant le récit de cette scène, j’avais eu soin de me remettre au lit. Je m’attendais à quelques reproches ; il me les fit assez tranquillement, mais d’un air qui ne me laissa que trop apercevoir qu’il était vivement piqué contre moi ; il sortit aussitôt, me laissant livrée à mille réflexions sur les suites de cet accident.

Bientôt après, Victoire rentra ; le calme par-