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AMÉLIE

faut croire que ma petite fortune la tenta ; car, pour réussir dans son projet, elle fit usage d’un moyen qui devait d’autant mieux la servir, qu’il augmentait ma confiance, en paraissant m’indiquer le degré d’attachement qu’elle avait pour moi. Elle se jette à mon cou les larmes aux yeux, et me dit qu’elle ne souffrira pas que j’aille m’exposer à périr d’ennui dans la solitude où j’ai dessein de me retirer : elle veut absolument que je dispose d’une partie de son logement, et me promet de me faire trouver l’oubli de mes peines, dans les douceurs de l’amitié la plus tendre.

Je ne puis exprimer le plaisir que me fit l’offre consolante de cette généreuse amie. Trop pleine de ma reconnaissance, je ne pus lui répondre ; mais les pleurs de joie dont je mouillai son visage en l’embrassant, pour la remercier, durent lui faire assez connaître combien j’avais été touchée de l’honnêteté de son procédé.

Dès le lendemain matin, je fis faire mon déménagement, et il n’était pas encore nuit, que j’étais déjà chez elle.

Pendant le premier mois, je n’eus qu’à me louer de la manière dont je fus traitée. Soins, prévenances, elle ne négligea rien pour me captiver ; nous étions d’ailleurs du même âge, nous avions presque les mêmes goûts, et je ne refusais jamais les parties de plaisir qu’elle me proposait ; aussi ce premier mois fut-il employé en divertissements de toute espèce.