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AMÉLIE

nir dans une maison d’où il était échappé par une espèce de miracle, et où il pouvait croire que j’étais restée.

À peine Richeville fût-il dehors, que je m’empressai de recueillir tout ce que j’avais reçu de sa libéralité, en linge, hardes, bijoux et argent ; j’enfermai le tout bien soigneusement, et je sortis pour louer un petit appartement.

Chemin faisant, il me vint dans l’idée d’aller faire visite à une jeune personne, nommée Victoire, que j’avais eu occasion de voir souvent chez Richeville, parce qu’elle avait été entretenue par un de ses parents qui l’avait quittée depuis quelques mois. Je lui appris l’événement fâcheux qui m’arrivait ; elle y parut sensible, et l’air de vérité que je crus apercevoir en elle, redoubla l’affection que je lui portais ; mais on va voir dans quelle erreur grossière j’étais tombée à son égard, et ce qu’il m’en a coûté pour m’être trop facilement livrée aux mouvements de mon cœur, pour la plus scélérate de toutes les femmes.

Je lui fis part de l’intention où j’étais de me loger dans son quartier, pour être plus à portée de la voir, et de cultiver sa connaissance. J’eus aussi l’indiscrétion de lui parler d’une somme assez considérable que j’avais en ma possession. Elle connaissait une grande partie de ma garde-robe, et n’ignorait pas que j’avais été une des femmes les mieux entretenues de la ville. Il