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AMÉLIE

— Non, me dit-il, mademoiselle, je n’ai pas ce pouvoir, et pour vous le prouver, je vous déclare que dès ce moment, il n’y a plus rien de commun entre nous ; vous êtes bien maîtresse de disposer de vous comme vous le jugerez à propos.

Il ne m’en dit pas davantage, et sortit en me laissant seule avec la méchante femme qui m’avait attiré cette scène.

Trop fière pour m’abaisser jusqu’à vouloir connaître les motifs de sa conduite, je ne lui fis pas l’honneur de lui adresser un mot. Mon mépris pour elle fut si profond, qu’il m’aurait été impossible de lui faire le moindre reproche.

Trop sensible pour n’être pas piquée du ton absolu que Richeville avait pris avec moi, je m’interdis toutes réflexions sur ce que j’allais devenir en le quittant. J’étais bien persuadée qu’il m’aimait assez pour me retenir chez lui, si je voulais faire quelques avances pour y rester ; mais je m’occupai sur-le-champ des moyens d’abandonner un homme que son courroux, peut-être légitime, mais molestant pour moi, venait de me rendre odieux.

Je regrettai fort de ne pas savoir où trouver Joseph ; car, d’après ce qui s’était passé entre nous, je me sentais décidée à accepter la proposition qu’il m’avait faite d’aller vivre avec lui ; mais je désespérai de le revoir, par la seule raison que je le savais trop peureux pour reve-