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AMÉLIE

avait voulu profiter de l’occasion que l’absence de ma dénonciatrice lui fournissait, pour obtenir quelques faveurs ; mais que ma reconnaissance et mon amour pour Richeville m’avaient prêté assez de force pour les lui refuser.

— À votre place, reprit cette mégère, je ferais la visite la plus stricte de l’appartement, et je suis sûre qu’elle ne serait pas infructueuse.

L’avis est trouvé bon, et voilà mon homme qui se met en devoir de faire la recherche qu’on lui conseille. Il regarde d’abord sous le lit, et passe ensuite avec elle dans un petit salon, qui, heureusement, n’avait qu’une porte sur ma chambre à coucher. Ils y sont à peine entrés, que je ne balance pas sur le parti qui me reste : je les y enferme, et je cours délivrer le trop heureux Joseph des frayeurs dont il avait failli périr dans son étroite prison.

Quand je crus lui avoir donné assez de temps pour être dans la rue, je revins ouvrir la porte du salon, où le couple que j’y avais consigné chantait à ma louange le plus joli duo du monde. Richeville fond sur moi, et me menace de me rendre victime de ma trahison. Loin de m’épouvanter de sa fureur, je Je regarde fièrement, et lui demande de quel droit il prétend m’avoir fait son esclave, s’il ne croit pas ce qu’il appelle des bienfaits assez payés par ma complaisance sans bornes pour lui, et s’il espère m’ôter jusqu’à la liberté d’y renoncer ?