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AMÉLIE

— Pourquoi donc, me dit-il, nous faites-vous attendre si longtemps, et qu’avez-vous à craindre pour vous enfermer avec tant de précaution ?

Et tout en me parlant, il jetait sur moi, et par tout l’appartement, des yeux inquiets, que ma rougeur et mon embarras enflammèrent de courroux. Ce n’est plus un homme, c’est un forcené dont on ne peut maîtriser la rage. En vain je veux faire entendre quelques mots pour ma justification, il ne m’écoute pas, et m’ordonne de lui livrer le traître qui a violé l’asile qu’il m’avait accordé contre une prétendue persécution, que je n’ai imaginée, selon lui, que pour jouir plus tranquillement du fruit de sa complaisance et de son fol amour pour moi. Je me jette à ses pieds, je le conjure de calmer les transports qui l’agitent, et de m’entendre avant de me juger coupable ; ma position suppliante le désarme ; il s’assied et m’écoute :

— Qui peut donc causer le trouble effrayant où je vous vois, lui demandai-je, en m’approchant de lui, pour l’apaiser plus sûrement par des caresses qu’il repousse ? Quel rapport alarmant a-t-on pu vous faire sur mon compte, et ne suis-je plus digne de la tendresse que vous m’avez vouée ?

— Il vous sied bien, ingrate, me répondit-il avec dédain, de me tenir un pareil langage, à vous, qui me payez de mes bienfaits par la plus noire perfidie ! Où est ce prétendu frère de