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AMÉLIE

dont il obtint les faveurs, et, sans s’embarrasser de ce que je deviendrais, il m’abandonna pour passer en Angleterre avec elle. C’est ainsi qu’après m’avoir tout fait quitter pour le suivre, le cruel m’exposa aux tourments de la misère et du désespoir.

Joseph parut touché de mes prétendus malheurs.

— Ma pauvre Amélie, me dit-il, en se jetant à mon cou, que je vous plains ! je n’aurais jamais cru mon frère assez peu délicat, pour se conduire ainsi. Et comment avez-vous vécu ? comment vivez-vous à présent ?

— Réduite à la plus affreuse misère, par l’abandon de cet ingrat, et n’ayant point osé retourner dans mon pays, après la conduite peu sage que j’avais tenue, j’ai, par le plus grand hasard, eu le bonheur de rencontrer un homme honnête et compatissant qui, touché de ma triste situation, a eu la bonté de m’adopter et de me traiter comme sa propre fille. Je ne puis vous donner d’autres éclaircissements, et je vous prie de vous retirer, car je ne suis point chez moi ; je craindrais que votre présence ici ne m’occasionnât des désagréments.

Je m’aperçus que cette histoire avait produit un grand effet sur Joseph ; mais j’étais loin de soupçonner l’étrange changement qui s’opérait en lui.

— Je ne puis plus me séparer de vous, me