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AMÉLIE

déconcertée ; cependant, en me recueillant sur ce que j’avais à répondre, la persuasion de mon innocence me rendit le courage ; d’ailleurs, je me doutai bien qu’il n’était point instruit du sort de son frère, parce qu’il était présumable que ses assassins avaient fait disparaître toutes les traces de sa mort. D’après ce petit raisonnement, je crus pouvoir arranger une fable qui, sans faire grand tort à la mémoire de Georges, me sauva le désagrément de redire de tristes vérités qui auraient pu me compromettre ; et voici comme je m’y pris :

— Il est bien cruel pour moi, messieurs, leur dis-je, d’être obligée de renouveler le souvenir de ma douleur et de n’avoir d’autre moyen de justification devant vous, que d’avouer ma faiblesse pour le plus perfide des hommes ; je sens que je me dois cet aveu, quoiqu’il m’en coûte, et vous allez juger si je ne suis pas moins condamnable qu’à plaindre.

Georges, comme vous avez pu vous en apercevoir, mon cher Joseph, pendant que nous étions chez mon oncle, devint amoureux de moi ; je l’aimai véritablement, et, de bonne foi, je me sentais disposée à lui en donner toutes les preuves qu’il exigerait. Il avait préparé de loin le plan d’évasion qu’il méditait, et nous profitâmes de votre absence et de celle de mon oncle pour venir ici. Il y avait près d’un mois que nous y étions, quand il fit connaissance d’une Anglaise,