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AMÉLIE

blesse, que je cessai bientôt d’en rougir, pour donner un libre cours aux épanchements d’un cœur tendrement affecté.

Un an s’était écoulé dans les divertissements de toute espèce qu’il m’avait procurés ; j’étais loin de m’attendre que mon bonheur dût bientôt cesser, quand un événement imprévu vint le détruire.

Nous étions, Richeville et moi, à nous promener au Bois de Boulogne ; un jeune homme, auquel je n’avais pas trop pris garde, s’était déjà arrêté plusieurs fois pour nous examiner. Fatiguée de tant d’importunités, je jetai les yeux sur lui pour tâcher de deviner ce qui pouvait attirer son attention ; mais quelle fut ma surprise, quand je reconnus Joseph, le frère de l’infortuné Georges ! Je n’essayerai pas de peindre l’effroi que me causa cette étonnante apparition ; ce qui me surprend, c’est d’avoir pu conserver l’apparence du sang-froid, dans une circonstance aussi embarrassante. J’engageai Richeville à rentrer chez lui, et pour le déterminer à hâter notre retour, je lui dis que j’avais donné rendez-vous à une marchande, qui sûrement m’attendait déjà. Pendant ce temps, j’examinais Joseph, pour savoir ce qu’il allait devenir ; il nous suivit jusqu’à la porte du bois. En montant en voiture, j’ordonnai au laquais de dire au cocher d’aller grand train, parce que nous étions pressés d’arriver. Je voulais, par ce moyen, empêcher