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AMÉLIE

dit un peu confuse, et je baissai les yeux sans lui répondre. Il se leva, vint à moi, et me prit sur la bouche un baiser que je ne défendis pas. Ce larcin, qui servit d’aiguillon à sa flamme, dérangea mes combinaisons ; ma tête obéit à mon cœur, et j’oubliai Georges et mes serments, pour me livrer tout entière à l’amour de mon bienfaiteur. Sûr du désordre qu’il cause, il me prend par la main, me reconduit au salon, qu’il ferme après lui ; et, comptant sur le moyen qui lui avait déjà si bien réussi, il reprend sur ma bouche les baisers de feu qu’il vient d’y déposer. Pour cette fois, je n’y suis plus ; mon égarement est à son comble : je me laisse tomber sur lui, il me soulève doucement, et me renverse sur un sopha ; déjà mon mouchoir a disparu de dessus mon cou ; déjà ses yeux perçants ont dévoré mes autres charmes ; et bientôt l’Amour me décoche le trait que Richeville est chargé de diriger. Oubli du monde entier ! ô volupté des sens ! avec quelle ardeur je savourai tes délices ! combien de fois je crus expirer dans les bras de l’auteur de mes plaisirs ! Vils assassins, qui osâtes assouvir sur moi votre passion féroce, ah ! l’Amour m’a bien vengée, ce jour-là, de votre brutalité !

Quand je fus revenue de mon extase, j’étais si honteuse que je n’osais pas lever les yeux sur Richeville ; mais il me fit tant de caresses, il me dit tant de belles choses pour justifier ma fai-