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AMÉLIE

marques d’amitié m’attachaient insensiblement à lui ; mon infortune commençait à moins peser sur mon cœur, et j’y sentis naître un sentiment plus doux que celui de la reconnaissance.

Il y avait déjà quinze jours que nous étions à Paris. Richeville et moi nous rentrions un soir de la comédie. Nous étions seuls. Sans doute qu’ayant conçu un projet qu’il voulait faire réussir, il s’était arrangé pour que nous pussions jouir d’un tête-à-tête. Quand je fus déshabillée, et qu’un simple négligé eut remplacé ma toilette, je passai au salon où il m’attendait. Il vint à moi et m’embrassa plus tendrement qu’à l’ordinaire.

— Asseyons-nous, me dit-il, ma chère petite, et causons tranquillement sur ce qui vous intéresse. Je n’ai point été dupe du petit mensonge que vous m’avez fait à Orléans ; l’état dans lequel je vous ai trouvées, vous et votre amie, m’a fait soupçonner que vous fuyiez la maison paternelle ; je prends trop de part à ce qui vous regarde, et je vous avoue même que je vous aime trop pour ne pas désirer d’être instruit de tout ce qui vous touche. S’il y a de l’indiscrétion à vous demander des détails que je brûle de connaître, vous aurez, j’en suis bien sûr, le bon esprit de me pardonner ma curiosité en faveur du motif.

Cette question me déconcerta un peu, et dès qu’il s’aperçut qu’un vermillon plus vif animait