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AMÉLIE

En achevant ces mots, il se lève, ne nous donne pas le temps de le remercier, et sort, nous laissant tout étourdies de ce que nous venons d’entendre.

Nous nous regardions, Adélaïde et moi, bien embarrassées de la réponse que nous avions à faire ; retourner chez nos parents, c’était la chose impossible ; on m’aurait demandé compte de ma conduite. Forcée d’avouer la mort violente de Georges, je me livrais indubitablement à la fureur d’un père irrité, auquel je n’aurais pas pu donner des détails suffisants, puisque je ne connaissais point du tout le lieu de la scène ; enfin, ce qui pouvait m’arriver de plus doux, était, au moins, la perte de ma liberté. Adélaïde, par d’autres raisons, ne pouvait, pas plus que moi, se représenter chez sa mère ; nous n’avions, à nous deux, qu’une vingtaine de francs, ou environ ; un homme qui nous paraissait honnête, nous offrait des secours ; ma foi, la nécessité nous fit la loi, et nous convînmes que le lendemain matin nous dirions à notre protecteur qu’il pouvait compter sur nous, et que nous l’accompagnerions jusqu’à Paris. Heureusement que mon amie était plus décidée que moi, et qu’elle avait plus d’expérience ; elle se chargea de lui en porter la nouvelle. Il la reçut avec grand plaisir, et tout s’arrangea pour le mieux.

Nous partîmes donc d’Orléans, Adélaïde et