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AMÉLIE

La servante, que j’avais prévenue, vint nous avertir qu’on allait nous servir. Nous nous levâmes sur-le-champ, et notre toilette fut bientôt faite, car nous n’avions, pour tout ajustement, qu’un chapeau de paille sur nos cheveux flottants, et un déshabillé tout uni. Néanmoins ces riens, placés avec un peu d’art, sur deux jeunes personnes de seize ans, assez bien de figure, ne nous rendaient point indifférentes, et nous n’étions pas les moins bien des femmes qui se trouvaient à la table commune.

Cependant, un peu honteuses de nous trouver seules au milieu de tant d’étrangers, nous n’osions lever les yeux sur personne, et si parfois on nous adressait la parole, l’air modeste et décent que nous mettions naturellement dans nos réponses, parlait en notre faveur. Enfin, enhardies par les attentions qu’on voulut bien avoir pour nous, nous nous mêlâmes un peu de la conversation. Un indiscret, qui nous fixait presque toujours, nous demanda si nous allions plus loin qu’Orléans.

— À Paris, monsieur, lui répondis-je sans me déconcerter, où ma sœur et moi sommes mandées pour recueillir la succession d’une tante que nous n’avons jamais vue ; mais qui, meilleure après sa mort, qu’elle ne le fut pendant sa vie, nous laisse jouir de ce qu’elle n’a pu emporter.

On quitte la table enfin, et nous remontons à notre chambre.