Page:Amélie, ou Les Écarts de ma jeunesse, 1882.djvu/36

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
30
AMÉLIE

L’obscurité dans laquelle nous nous trouvions favorisait son projet, et le baron, qui ne nous avait point entendus, regagnait lentement l’escalier. Le cerf que l’on poursuit fuit avec moins de légèreté que nous ; en un instant nous nous trouvons au bout du corridor ; Adélaïde marchait la première ; je la suivais, et Georges venait après nous. Elle ouvre la porte d’un cabinet d’aisance dont elle n’avait pu se procurer la clef que ce jour-là, malgré toutes les recherches qu’elle eût pu faire auparavant ; elle savait bien qu’il était possible de sortir de la maison par cet endroit éloigné, parce qu’un jour la porte de ce cabinet s’étant trouvée ouverte par la négligence d’un laquais, elle y était entrée, et se disposait à fuir, lorsqu’on était venu, sans le savoir, l’empêcher de mettre son projet à exécution.

Quoiqu’il n’y eût point de lumière dans cet endroit, cependant, à la faveur du crépuscule de la nuit, nous distinguions parfaitement qu’il était éclairé par une fenêtre. Adélaïde l’ouvre, pose un pied sur le siège du cabinet, l’autre sur l’appui de la croisée, et descend sur un petit toit qui régnait le long du mur. Elle me donne la main pour monter ; bientôt je la rejoins.

— Nous n’avons pas dix pieds à sauter, me dit-elle, ma chère demoiselle ; un pareil obstacle n’est pas fait pour nous arrêter en si beau chemin.

— Dépêchez-vous, disait Georges, car on nous poursuit.