Page:Amélie, ou Les Écarts de ma jeunesse, 1882.djvu/33

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
27
AMÉLIE

les mains jointes, de se cacher sous le lit ; il m’obéit : pour moi, je pris un livre qui se trouvait sur la cheminée, et j’eus l’air de faire une lecture à Adélaïde ; tout cela fut l’affaire d’un instant, et il n’y avait plus matière au moindre soupçon quand le marquis entra.

— Comment se porte, aujourd’hui, dit-il en m’adressant la parole, la plus complaisante de toutes les beautés ?

Et il voulut m’embrasser ; je le repoussai vigoureusement sans lui répondre.

— Je ne viens point encore, reprit-il, avec cet appareil menaçant d’un chevalier méprisé, qui veut se faire obéir, mais avec la douceur d’un amant qui attend de vous son bonheur. Puis-je espérer que ma tendresse obtiendra le pardon d’un peu de rigueur ? et me laisserez-vous, de bonne grâce, réparer quelques légers torts dont j’ai pu me rendre hier coupable envers vous ?

— Ne l’espérez pas, lui répondis-je avec emportement ; il semblait que la présence de Georges enflammât mon courage, ne l’espérez pas ; jamais vous n’obtiendrez de moi ce que vous exigez ; j’ai bien assez souffert d’être obligée d’endurer vos outrages, sans vous permettre de les renouveler ! Sortez d’ici, barbare ! et ne réduisez pas au désespoir la plus malheureuse de toutes les femmes.

Le cruel se mit à rire, et ordonna à Adélaïde de sortir. Cette fille obéit sans répliquer. Dès