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AMÉLIE

nue, quand je la vis rentrer, tenant Georges par la main. Ô moment fortuné ! Je m’élance dans ses bras, nous nous tenons longtemps serrés l’un contre l’autre, nos larmes se confondent, et le plaisir de nous voir réunis nous fait oublier nos souffrances. Adélaïde m’apprend que Georges n’a pas voulu sortir sans moi, quoiqu’elle lui eût promis que nous allions le rejoindre, et tout en lui sachant gré de cette preuve touchante de son amour, je le blâmai de sa délicatesse, qui pouvait empêcher son évasion. Elle nous dit qu’elle avait profité du moment où le baron et son laquais étaient sortis, pour aller à une lieue de là, et que, comme il n’y avait dans la maison que le marquis, alors dans un appartement éloigné du nôtre, elle croyait l’instant favorable pour échapper à nos persécuteurs.

Comme nous nous disposions à la suivre, nous entendîmes marcher dans le corridor ; Adélaïde courut pour savoir qui c’était. Elle revint aussitôt :

— Nous sommes perdus, nous dit-elle, et qu’allons-nous devenir ? le marquis vient ici.

— Je veux l’y attendre, dit Georges, et s’il est seul, nous verrons si le crime triomphera toujours de la vertu.

Il était sans défense, le marquis pouvait être armé ; je ne voulus jamais consentir qu’il courût les risques d’un combat inégal, je le priai,