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AMÉLIE

ferait reculer d’horreur ; mais je dois épargner à votre sensibilité des détails qui ne pourraient qu’ajouter à vos maux.

Je me mis à pleurer de nouveau, et en regardant, avec l’œil du désespoir, la triste compagne de mes malheurs, je m’écriai :

— Ô ciel ! où mon destin m’a-t-il conduite, et qu’allons-nous devenir, mon pauvre Georges ?

Quand cette fille compatissante eut un peu rétabli le désordre de ma toilette, je la questionnai de nouveau ; mais je ne pus rien savoir ce jour-là ; toujours muette sur ce qui m’intéressait, elle me refusa impitoyablement les renseignements que je lui demandais. Je fus donc obligée d’employer cette éternelle soirée, ou à gémir des maux que je venais d’endurer, ou à parler de choses indifférentes.

Enfin, l’heure du souper arriva : le laquais qui avait été un des instruments de mes persécutions servit, et je forçai Adélaïde, qui voulait se retirer, de souper avec moi, pour me tenir compagnie. Après souper elle se jeta à mon cou, les larmes aux yeux, et me dit qu’elle allait s’occuper des moyens de nous servir, et qu’elle espérait réussir dans l’exécution d’un projet qu’elle avait conçu depuis longtemps. Elle m’aida à me déshabiller et je me couchai.

Je dormis peu, parce que je craignais toujours qu’on ne vînt me faire éprouver de nouveaux outrages. Cependant la nuit s’écoula tout en-