Page:Amélie, ou Les Écarts de ma jeunesse, 1882.djvu/292

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
286
AMÉLIE

premier feu une fois passé, je regagnerais sans peine l’amitié de deux personnes qui ne pouvaient pas encore me l’avoir retirée entièrement.

Plein de cette confiance, je me promettais même, pour ma tranquillité, d’avouer aussitôt que je pourrais mon aventure de la nuit, lorsque le soir je reçus, par la négresse d’Adélaïde, un message de celle-ci par lequel elle me priait à déjeuner pour le lendemain. Je ne répondis point par écrit ; je fis seulement à cette femme un signe qu’elle crut entendre et elle s’en alla.

On ne me parla de rien ; je fus muet aussi sur ce nouveau sujet d’alarmes pour Cécile ; je n’allai point au déjeûner. Adélaïde, qui avait ses vues sur moi, piquée d’une négligence qui lui faisait voir assez clairement le peu de cas que je faisais de sa fortune et de sa main, résolut de s’en venger ; et profitant de l’indiscrétion que j’avais commise, en lui disant que mon protecteur connaissait mon aventure avec toi, elle vint le trouver, prit ton nom et parvint par un air naïf, soutenu de ses larmes, à lui persuader qu’elle était la malheureuse Amélie que j’avais eu la lâcheté d’abandonner dans un bois, après l’avoir séduite.

Cette horreur, qui n’était que trop vraisemblable, puisque je ne pouvais pas prouver la fausseté de cette supposition, me rendit odieux à mes bienfaiteurs ; ils me retirèrent leurs promesses ; et je me vis réduit, par cette noire per-