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AMÉLIE

du jour : je me trouvai à peu de distance d’Orléans, où je fis rencontre d’un négociant qui avait particulièrement connu mon père et qui me rendit service, en considération de leur ancienne amitié. Il m’amena à Paris avec lui ; au bout de six semaines, il me fit épouser un de ses amis, avec lequel je passai à l’Île-de-France où mon mari, déjà vieux, voulait faire un dernier voyage pour vendre ses possessions et revenir en France ; mais les fatigues d’une traversée longue et pénible altérèrent si fort sa santé, qu’il tomba malade quelques jours après notre arrivée, et mourut sans me donner le temps de le connaître assez pour savoir apprécier la perte que je faisais.

« Il m’avait fait heureusement, par contrat de mariage, une donation en toute propriété de ses biens : nous avions emporté avec nous les titres qui m’étaient nécessaires pour faire valoir mes droits : je les exerçai sur-le-champ, et après avoir reçu en payement des traites sur les meilleures maisons de quelques ports de France, je m’embarquai pour repasser ici. J’y arrivais, quand on commença les apprêts de la fête qu’on vient de donner, et dans laquelle le hasard m’a procuré le plaisir de vous rencontrer. »

Je l’avais écoutée en silence, bien moins occupé de son bonheur que des maux que tu avais dû éprouver. Pour me distraire d’un sujet aussi triste que celui qui m’accablait, elle reprit ainsi :