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AMÉLIE

rances. Plein de cette idée dont les charmes enflammèrent mon imagination, je quittai l’ami qui m’accompagnait, et je courus sur les pas de celle qui m’entraînait malgré moi.

— Oh ! qui que vous soyez, cruelle inconnue, lui dis-je en l’abordant, ne désespérez pas un cœur longtemps noyé dans ses larmes, au moment où il vient de se rouvrir à l’espérance : parlez, de grâce ; êtes-vous l’adorable Amélie, cette amante infortunée, sans laquelle la vie m’est insupportable ?

— Vous l’aimez donc toujours ? répond le masque, et l’absence n’a pas diminué cette ardeur que je vous ai connue ?

— Non, non, je l’aime plus que jamais : c’est l’idole chérie que je veux adorer jusqu’au dernier soupir.

Plus je l’interrogeais, plus mon illusion puisait de forces dans ses réponses étudiées pour l’entretenir. Tout me disait alors que c’était toi ; les questions même qu’elle me faisait sur ma tendresse, ne me semblaient dictées que par l’amour inquiet qui voulait se convaincre qu’il n’avait rien perdu de ses droits.

Tout en nous entretenant de ce qui m’intéressait à tant de titres, l’inconnue m’avait insensiblement fait gagner l’escalier, et je le descendais avec elle, sans presque m’en apercevoir, quand me trouvant à la porte, l’air piquant de la nuit vint m’avertir que je laissais