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AMÉLIE

Il n’était pas aussi aisé d’échapper à la pénétration de son père, il n’avait que trop remarqué le chagrin qui me consumait. Sa vive amitié s’en était alarmée ; il était franc et sincère, il ne put me cacher longtemps la peine qu’il en ressentait.

— Mon ami, me dit-il un jour où je paraissais plus triste qu’à l’ordinaire, je sais que vous m’aimez ; mais vous avez des chagrins que vous me cachez ; je crois avoir le droit de me plaindre du secret que vous m’en faites. Ouvrez-moi votre cœur, et s’il est au pouvoir d’un ami tendre de le soulager de son oppression, sur qui pouvez-vous compter, si ce n’est sur le père de Cécile ?

— Ah ! monsieur, lui dis-je en lui jetant les bras autour du cou, je ne sens que trop que je ne dois rien avoir de caché pour le meilleur des hommes. Je serais un ingrat si je ne vous faisais pas lire dans le fond de mon cœur, après les bontés dont vous m’avez comblé ; mais promettez-moi de me pardonner les fautes que je vais vous révéler, comme je désire qu’elles me soient remises par celui qui a le plus à s’en plaindre.

Il rassura ma timidité par quelques discours flatteurs qui m’encouragèrent : je l’instruisis de toutes les circonstances qui ont précédé et suivi notre fuite de la maison de ton oncle. La seule chose que je lui déguisai fut la demeure de mon père.