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AMÉLIE

— Eh bien, mon ami, cet époux est déjà choisi dans mon cœur, et si j’en crois les doux pressentiments que cet avertisseur m’inspire, le bonheur de ma fille justifiera mon choix.

En me parlant, ce respectable père tenait ses yeux attachés sur les miens, pour y voir les pensées qui se formaient dans mon cœur, comme dans un miroir où elles devaient se réfléchir. Je gardais le silence, étonné, ravi de ce que je venais d’entendre ; cependant, quoiqu’il fût évident que c’était moi qu’il désignât pour l’époux de sa fille, je ne pouvais me persuader qu’il eût réellement l’intention de me la donner, à moi, dont il ne connaissait ni le véritable nom, ni la famille. Je savais aussi me rendre justice, je ne croyais pas avoir mérité un si grand bienfait, et je craignais de me tromper en interprétant, en ma faveur, une déclaration qui n’avait peut-être pour but que de me consulter sur le choix d’un autre époux que moi ; car j’avais remarqué que plusieurs jeunes gens, fils de riches négociants, qui étaient reçus à la maison, désiraient cette alliance, et il était possible qu’ils se fussent expliqués.

D’un autre côté cependant, je me rappelais la conduite de Cécile à mon égard ; quelques riens, qui sont beaucoup quand on se flatte, venaient changer mon illusion en espérance, et je ne regardais plus cette union comme impossible. Son père, qui s’était contenu d’abord pour