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AMÉLIE

J’étais loin alors de soupçonner que ce respectable père eût jeté des vues sur moi, lorsque, quelques mois après, il profita d’un après-dîner que sa fille employait auprès d’une tante qui, depuis longtemps était malade, pour m’informer de ses projets. Il me fit entrer dans son cabinet, et me prenant les deux mains qu’il serra affectueusement :

— Mon ami, me dit-il, depuis longtemps je désire vous entretenir sur un objet qui intéresse ma tranquillité ; qui peut me faire oublier les épines de ma vie, et procurer à ma vieillesse d’agréables jouissances. Le malheur instruit les hommes et rend plus pénétrants ceux qui ont passé par de dures épreuves, parce que, étant toujours défiants, ils mettent plus d’attention à examiner ceux en qui ils veulent établir leur confiance. Je vous ai donc jugé sans partialité, et je vous crois, à tous égards, digne de mon estime…

Je ne savais comment lui exprimer le plaisir dont il me pénétrait, et j’allais me jeter à ses genoux pour le remercier de sa bienveillance, il me retient et continue :

— De quel œil voyez-vous ma Cécile ? Croyez-vous qu’elle puisse un jour faire le bonheur de celui que le ciel associera à son sort ?

— Ô ! monsieur, si la beauté, jointe aux vertus, suffisent pour donner la félicité, quel mortel sera jamais plus heureux que l’époux fortuné qui l’aura rendue sensible ?