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AMÉLIE

commencements, bien faible pour un jeune homme accoutumé à l’opulence ; elle suffisait à peine au nécessaire ; je cherchai donc à l’augmenter par le travail. Je parvins à me placer dans les bureaux de l’état-major du régiment, et comme je connaissais passablement les comptes étrangers et les calculs qu’ils exigent, je trouvai encore de l’occupation chez un négociant pour la tenue de ses livres de commerce. Avec cette ressource, je fus bientôt en état de pourvoir à tous mes besoins, de me procurer même tous les amusements dont on jouit dans les grandes villes, sans m’écarter des devoirs qui m’étaient imposés.

Il n’y avait encore que deux mois que j’étais à Brest. Le négociant chez lequel je travaillais, m’avait insensiblement pris en affection. Pour me donner une preuve convaincante de son amitié, il me remit un matin mon congé en bonne forme, qu’il avait sollicité et payé, sans m’avoir prévenu des démarches qu’il avait faites pour l’obtenir, et me fit accepter un logement chez lui.

Tant de délicatesse et d’attachement de la part d’un homme que je connaissais depuis si peu de temps, et qui d’ailleurs me payait largement des services que je lui rendais, m’avaient inspiré un sentiment plus vif que celui de la reconnaissance ; j’éprouvais, près de lui, les douces émotions que procure la présence d’un