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AMÉLIE

Quand j’eus repris mes sens, je regardai autour de moi, aussi loin qu’il m’était possible de le faire dans l’obscurité ; juge de ma douleur, quand je ne te revis point, ainsi que ta compagne d’infortune : je vous appelai longtemps en vain l’une et l’autre ; je vous cherchai quelque temps ; mais craignant à la fin la poursuite des scélérats qui avaient voulu me faire périr, je pris au hasard un chemin dans la forêt, et après avoir marché toute la nuit, je me trouvai le lendemain à Beaugency, où il passait un détachement de cavalerie qui allait à Tours rejoindre son corps. J’étais alors, comme tu peux t’en souvenir, sans argent, et je me voyais très embarrassé de ce que je deviendrais. Je ne me sentais pas assez de courage pour aller braver la colère de ton oncle, qui m’aurait inquiété à cause de toi ; je craignais aussi que mon père, qui n’était pas instruit de la manière violente dont nous avions été enlevés de ton pays, ne crût que je t’avais obligée de fuir avec moi, et ne voulût me punir trop sévèrement, si toutefois j’en étais quitte pour cela ; je me décidai à l’instant ; je m’adressai au commandant de la troupe qui m’engagea. À peine étions-nous arrivés à notre destination, que le régiment reçut ordre de partir pour Brest, où on nous fit remplacer un corps d’infanterie qui venait de s’embarquer.

La paie de simple cavalier me parut, dans les