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AMÉLIE

Pour y parvenir, je me fis un plan de conduite dont je ne devais pas m’écarter ; et dès l’instant même, j’osai prendre pour habitude au bien, le désir que j’avais de le faire.

Quelques censeurs rigides observeront peut-être que ce changement subit n’est pas naturel, au milieu des excès auxquels ma jeunesse était abandonnée : je répondrai que, quand on n’a pas tout à fait le cœur corrompu, que ce n’est que par circonstance, et en quelque sorte malgré soi, qu’on a donné dans le libertinage, il ne faut qu’une occasion pour en sortir, et qu’il en coûte toujours moins pour revenir de ses égarements, qu’on n’a éprouvé de peine à s’y livrer, parce qu’on a le sentiment intime qu’on peut encore, par un retour sincère, mériter l’estime des gens honnêtes, que l’approche du vice avait effarouchés.

Il y avait déjà près d’un mois que j’étais à Rome. J’allais entrer dans l’église Saint-Pierre, suivie d’un domestique qui me conduisait partout, lorsqu’un jeune homme qui en sortait s’arrête devant moi tout interdit. Je le fixe : nous restons pendant quelques instants immobiles et muets de plaisir. Enfin, je romps le silence, et d’une voix tremblante, entrecoupée :

— Est-ce toi, lui demandai-je, mon cher Georges ?…

— Est-ce toi, me dit-il en même temps, ma chère Amélie ?