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AMÉLIE

que, et de là me remettre en route, pour courir encore de nouveaux hasards.

Mon premier soin, en arrivant, fut de faire décharger la malle et vider le coffre et la cave du cabriolet qui regorgeaient de paquets de toute espèce ; je fis monter tout cela dans ma chambre, et je passai le reste de la journée à en faire l’examen. Je fus obligée de faire ouvrir la malle, car son maître en avait sans doute la clef sur lui lors de son accident. Elle contenait, en monnaie d’or de différents pays, plus de deux cent mille francs, sans compter quelques bijoux précieux, du linge et des papiers que je brûlai sans vouloir en lire aucun.

Devenue riche, par le plus grand hasard du monde, et surtout dans un pays où j’aurais été misérable sans ce bienfait de la fortune, je montai ma garde-robe des effets les plus nécessaires, en remettant à me donner le surplus au temps où, ayant choisi une ville dans toutes celles que j’avais vues pour y fixer mon domicile, je pourrais à loisir jouir des biens que je possédais.

Dès ce moment, je fis vœu de renoncer, pour la vie, au libertinage qui avait souillé mes plus belles années ; je me promis bien de racheter mes fautes passées, non pas par la pénitence, car je n’aurais jamais été tentée d’employer ce remède, mais par quelques bonnes actions, s’il était en mon pouvoir de les faire, et de me rapprocher ainsi, par degrés, du temple de la vertu que j’avais tant de fois profané.