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AMÉLIE

position où je me trouvais, et tout bien calculé, je me décidai à ne point m’arrêter dans cet endroit, trop voisin du lieu de la scène qui venait de se passer, quoiqu’il n’y eût point de témoins de l’événement ; mais le cheval, mort sur la route, pouvait être reconnu par des voyageurs qui l’auraient vu attelé au cabriolet dont je me servais, et ce seul indice aurait pu me trahir ; j’allai donc à la poste, où je demandai des chevaux ; je vendis le mien, et je partis, après avoir ranimé mes forces par un bon souper que je me fis servir.

Je n’étais plus qu’à vingt-deux lieues de Rome ; j’aurais bien désiré pouvoir franchir cet espace avec la rapidité de l’oiseau, pour me dérober plus promptement aux recherches que j’avais la sottise de craindre ; mais, par réflexion, je sentis bien que j’étais dans l’erreur, et que l’inconnu paraissait venir de trop loin, pour que j’eusse quelque chose à redouter dans un pays où il n’avait, comme moi, personne qu’il intéressât. Je remontai donc tranquillement en voiture, je payai largement les guides, pour être bien servie, et j’arrivai dans cette fameuse capitale du monde chrétien. Le postillon qui m’amena della Storta me conduisit place d’Espagne, chez Benedetto, où je descendis d’abord avec l’intention d’y rester pendant le temps que je comptais employer à voir les monuments et les antiquités que renferme cette ville magnifi-