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AMÉLIE

succéder à l’impétuosité de l’orage qui m’avait surprise en si beau chemin.

Enfin, la chère maman, fatiguée de quereller, d’injurier ; les spectateurs, ennuyés de la monotonie du spectacle (car on se lasse de tout), me laissèrent seule livrée aux réflexions qui devaient être la suite nécessaire de ce qui venait de se passer. Je ne m’amusai point à calculer si la masse de mes jouissances pouvait balancer celle des humiliations dont j’étais abreuvée ; je crus qu’il était prudent de quitter une maison dont j’allais être la fable, et de gagner un autre séjour, où, avec la certitude de n’être pas connue, je pourrais cacher ma honte et mes remords : je fis donc seller mon cheval, et après avoir fait payer ma dépense par le garçon d’écurie, auquel je remis ce qu’on me demanda, je pris le chemin de Rome, que je désirais voir, en me promettant bien d’être plus soigneuse à l’avenir, s’il m’arrivait encore de vouloir satisfaire quelques caprices de ce genre.

Il n’était que midi quand je montai à cheval ; je consultai mon itinéraire pour déterminer l’endroit où j’irais coucher ; je me décidai à pousser jusqu’à Sienne, qui n’est éloignée de Florence que de cinq postes et demie. Nous étions dans un de ces beaux jours d’été, où il n’y a presque pas de nuit ; je ne forçai point ma monture, et j’arrivai encore d’assez bonne heure après avoir parcouru un pays charmant, où l’œil