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AMÉLIE

une position qui ne lui laissait aucun doute sur nos occupations, elle s’élance avec impétuosité sur moi, m’accable d’injures, et tandis que par ses cris elle fait monter dans ma chambre une grande partie des locataires de la maison, auxquels le bruit fait craindre un événement de plus haute importance, elle me distribue des soufflets et des coups de poings que j’ai la honte de recevoir, pour la plupart, en présence de témoins ; aussi je conviens, de bien bonne foi, que je n’éprouvai jamais l’humiliation que j’endurai ce jour-là.

Pour le pauvre Marcello, tapi dans un coin de la chambre, la tête baissée et tournée du côté de la muraille, confus et n’osant regarder personne, il s’était rajusté de son mieux : sa mère le fixa d’un œil sévère et lui ordonna de descendre, en lui promettant la récompense due à son libertinage, dont j’étais seule la cause.

J’essayerais en vain de peindre la situation dans laquelle je me trouvai ; en proie à la colère d’une femme envers laquelle j’avais des torts réels que je ne cherchais point à excuser ; en butte aux plaisanteries d’une foule de curieux pour qui cette scène avait un caractère de gaieté insupportable pour moi ; je m’étais assise sur une chaise placée près de mon lit, et là, cachée par mes mains, sans oser montrer ma figure, où je sentais que la honte était peinte en traits de feu, j’attendais en silence le calme qui devait