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AMÉLIE

goûter les indicibles délices que je me promettais avec lui ; trop jeune pour sentir près de moi l’aiguillon des désirs, trop timide pour essayer de les satisfaire, quand même la nature les aurait déjà éveillés dans son cœur, je vis bien qu’il me fallait faire toutes les avances, si je ne voulais pas rendre mes tentatives infructueuses. Emportée par la violence de ma passion, aucune considération ne put m’arrêter : ni les dangers auxquels je m’exposais en devenant l’instrument de corruption de l’innocence dont je n’étais que dépositaire, ni la honte qui allait rejaillir sur moi, en recourant à des moyens qui font rougir la pudeur, rien ne fut capable de me retenir ; je m’aveuglai sur les résultats de ma conduite pour franchir toutes les bornes de la décence. Ma gorge, que je débarrassai promptement du voile qui la lui dérobait ; une cuisse que je découvris, sous prétexte de remettre une jarretière incommode dont le nœud venait de s’échapper, tout cela fixa bien ses regards ; mais voyant qu’il restait spectateur immobile de quelques-uns de mes attraits sans en deviner d’autres, je l’attirai sur mes genoux, et par mille agaceries, mille inventions lubriques, j’essayai de monter les ressorts de cette machine que je voulais faire mouvoir à mon gré.

Quand je crus être parvenue au degré d’élévation nécessaire pour former les accords que je désirais, mes doigts se portèrent sur la corde