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AMÉLIE

de remarquable sur la route, j’allai loger chez Carlo, Anglais d’origine, qui me fut indiqué comme tenant la meilleure auberge de la ville.

Plusieurs passagers que j’y trouvai, ayant su, à la table commune, que je voyageais pour mon plaisir (car ce fut là ma réponse à leurs questions), m’offrirent de m’accompagner dans les différents endroits où la curiosité pourrait m’attirer ; je les refusai tous, sans exception, dans la crainte de prendre avec eux des engagements que, sans goût ni penchant, mais seulement par habitude, j’aurais peut-être eu la faiblesse de tenir ; la meilleure raison que je puisse donner de mes refus, c’est que j’avais jeté mes vues sur un sujet intéressant dont je voulais faire mon profit.

Le fils de la maison où j’étais logée était un enfant de quinze ans, grand pour son âge, et beau comme un ange. Dès que je le vis, je crus trouver dans ses traits une ressemblance parfaite avec ceux de mon malheureux Georges. Cette conformité me fit naître des idées voluptueuses que je brûlai de satisfaire ; c’était un bonheur pour moi de ressaisir l’image de l’amant adoré, qui m’avait été ravi d’une manière si cruelle ; et je me sentais disposée à tout sacrifier, à tout mettre en usage, pour rendre à mon imagination, séduite par cet aimable prestige, les jouissances enlevées au cœur le plus passionné.